Critique de "La Provence" du 21 juillet 2010 sur "Le Silence de la mer" présenté au festival Off d'Avignon 2010
Tout commence en 1941 et le début de lʼOccupation. Werner von Ebrennac, officier allemand, se veut patriote mais est aussi profondément amoureux de la culture française, de sa littérature particulièrement. Logé chez un vieil homme et sa nièce, il va tenter de briser ce mutisme dans lequel ses hôtes se sont plongés en signe de résistance. De monologue en monologue, lʼofficier partage toute sa sensibilité, son expérience et ses grandes idées sur la fraternité entre les peuples. Lʼoncle observe en silence lʼamour grandissant de sa nièce pour lʼofficier allemand, un homme finalement "convenable", mais rapidement désillusionné par les intentions de ses compatriotes nazis.
Publié en 1942, ce texte de Vercors est dʼautant plus puissant quʼil a été diffusé dans la clandestinité. Lʼoeuvre a dérangé, cʼest certain. Voir jouer ce classique apporte une dimension supplémentaire au texte déjà si fort. Serge Dekramer nous propose ici une mise en scène basée sur un jeu elliptique de lumière et de noir obscur. Simple, épurée, solennelle, elle accuse une certaine lenteur, accentuée par les silences de lʼoncle et de la nièce.
Les trois comédiens néanmoins sont convaincus et convaincants ! La retenue de leur jeu est remarquable. Les regards échangés entre Florence Le Corre et Serge Dekramer dans les rôles de la nièce et de lʼoncle valent beaucoup de grands discours. Quant à Werner, il est interprété par un Joël Abadie séduisant et dʼune sensibilité rare, servie par son léger accent allemand.
Dommage donc que le spectateur puisse sʼextraire de lʼhistoire, pourtant prenante, le temps de pauses peut-être trop marquées. Cependant, elles ne dénaturent en rien le texte de Vercors.
Dʼailleurs, son fils témoigne : "Il y a longtemps que je nʼavais pas vu cette adaptation mise en scène dʼune façon aussi proche de lʼidée que sʼen faisait mon père lorsque nous en parlions".
Critique du "Silence de la mer" dans la "Théatrothèque", Avignon, juillet 2010
Lorsque Vercors a voulu éditer son texte, la Gestapo en a décidé autrement, détruisant la revue La Pensée libre. Il fonde alors les éditions de minuit avec Pierre Lescure. Le Silence de la mer
voit le jour le 20 février 1942 dans la clandestinité.
En pleine guerre, débarque dans une maison reculée un soldat allemand, c’est comme ça, la nièce et son oncle doivent l’accueillir. Comment résister ? La famille décide de se taire devant lui et
de ne jamais lui adresser la parole. S’en suit une situation des plus graves où le soldat ne cesse de parler de lui devant ces muets. La nièce et l’oncle l’écoutent et découvrent qu’il
n’est
pas le bourreau supposé. Comme eux, il aime lire et composer de la musique. Rester silencieux devient de plus en plus difficile, et sans jamais céder, le dialogue passe par le regard, laissant
naître une histoire d’amour entre elle et lui.
Serge Dekramer prend le parti d’une économie de mise en scène pour permettre une écoute totale du texte. Le choix scénographique vient se nicher dans le théâtre classique. Nous sommes dans la
pièce principale de la maison donnant à voir une salle à manger où le bois et le crochet dominent. Elle et son oncle passeront le plus clair de la pièce assis, elle à broder, lui a lire. Joël
Abadie est impressionnant dans ce seul en scène au coeur d’un trio.
Il s’agit d’un très beau texte sur l’engagement et la liberté. Enfermée, sous la contrainte, la famille trouve le vecteur de lutte pour tenter de faire fuir celui qui occupe leur maison.
Un très beau texte à re-découvrir.
Amélie Blaustein-Niddam